
Avant de lire ce livre, je croyais être un homme particulièrement attentif et préoccupé par les nombreux défis que rencontrent les femmes au quotidien. Tant dans ma vie personnelle que dans le monde professionnel, la vaste majorité des gens qui partagent mon quotidien sont des femmes. Je suis donc assez conscient des normes sociales qui me semblent injustes. C’est ce que je pensais.
En lisant cet ouvrage, je réalise que ma compréhension était plutôt superficielle. Les choses évidentes me sautent aux yeux, comme pour la majorité des gens, mais une quantité troublante de réalités n’avaient jamais traversé mon esprit.
C’est le propos de ce livre ; cette idée que, inconsciemment, les femmes et, plus spécifiquement, ce qui les rend différentes des hommes, sont mises de côté et ignorées lorsqu’il s’agit de prendre des décisions qui s’appliquent à l’ensemble de la société. J’insiste sur le “inconsciemment”, car bien que dans plusieurs cas à travers l’histoire, ce fut entièrement intentionnel dans le but avoué de minimiser les femmes, ce n’est pas la norme. Comme l’autrice le décrit :
One of the most important things to say about the gender data gap is that it is not generally malicious, or even deliberate. Quite the opposite. It is simply the product of a way of thinking that has been around for millennia and is therefore a kind of not thinking. A double not thinking, even: men go without saying, and women don’t get said at all. Because when we say human, on the whole, we mean man.
La raison principale, illustrée à l’aide de nombreux exemples dans le livre, est l’absence de femmes dans la vaste majorité des processus de décisions. Bien qu’il y ait eu des améliorations notables dans les dernières décennies, il reste beaucoup de travail à faire. De plus, les normes d’aujourd’hui sont largement influencées par les décisions du passé.
Les exemples donnés par Caroline Criado Pérez sont évocateurs. Ils touchent bien plus d’aspects de l’expérience humaine que j’aurais pu imaginer. Ceux-ci sembleront évidents pour les femmes, mais ne l’étaient certainement pas pour moi. Prenons un cas simple : les toilettes publiques. La solution “logique” pour soutenir le concept d’égalité homme-femme est de d’offrir des locaux aux dimensions égales. Certes, mais cela ignore le fait que les hommes utilisent des urinoirs, contrairement aux femmes, ce qui implique que plus d’hommes peuvent utiliser les salles de bain en même temps pour la même superficie. Disons que l’on compense pour cette réalité en offrant le même nombre de cabines pour les femmes que pour les hommes (incluant les urinoirs), cela pourrait sembler juste. En fait, même cette option ignore le fait que les femmes ont des besoins hygiéniques qui rendent les visites aux toilettes nécessairement plus nombreuses et plus longues. C’est un exemple assez simple, mais qui illustre bien la différence entre égalité (des toilettes publiques de dimensions égales) et équité (des toilettes publiques qui répondent aux besoins de chacun).
The female-specific concerns that men fail to factor in cover a wide variety of areas, but as you read you will notice that three themes crop up again and again: the female body, women’s unpaid care burden, and male violence against women.
Il y a une panoplie d’autres exemples dans pratiquement tous les domaines du quotidien – la médecine, les automobiles, les technologies portatives, les vêtements, l’éducation des enfants, le marché du travail, l’infrastructure, l’espace politique et plus encore. Le monde moderne est conçu essentiellement par des hommes et pour les hommes. Les femmes ont souvent été perçues – et le sont encore aujourd’hui – comme une “anomalie” de l’homme plutôt qu’une section à part entière de la population avec ses réalités et ses besoins.
Pour un homme, qui jouit de nombreux privilèges sans même le constater, ce n’est pas évident de saisir l’ampleur de cet écart. Nous – j’inclus ici les hommes – soulignons ponctuellement, et un peu maladroitement, les apports des femmes dans la société (journée internationale des femmes, fête des mères, etc.) sans vraiment s’arrêter sur ce qui doit être fait pour que celles-ci puissent jouir des mêmes avantages que les hommes ont depuis toujours.
En terminant, j’avoue que je suis partagé quand je pense à ce livre. C’est un excellent livre qui gagnerait à être connu et partagé. Toutefois, c’est également le type d’ouvrage qui risque d’être ignoré par les personnes qui en bénéficieraient le plus, notamment ceux qui sont en position d’autorité ou d’influence. De mon côté, c’est une prise de conscience qui éclairera ma perception de notre société et qui, j’espère, informera mes interactions avec les enfants à qui j’ai l’honneur d’enseigner.
There is a better way. And it’s a pretty simple one: we must increase female representation in all spheres of life. Because as more women move into positions of power or influence, there’s another pattern that is becoming even more apparent: women simply don’t forget that women exist as easily as men often seem to.