Endure : Mind, Body and Curiously Elastic Limits of Human Performance, by Alex Hutchinson (fr)


Je nourris depuis longtemps une admiration sans fin pour les athlètes de haut niveau, ceux et celles qui défient les limites de qui semble possible d’accomplir avec le simple corps humain. Tous les sports m’intéressent d’une manière ou d’une autre, mais les épreuves d’athlétisme règnent au sommet pour ce qui est de stimuler l’émerveillement. Les épreuves d’endurance, comme les courses de demi-fond et celles de fond, sont particulièrement fascinantes, d’où la petite lumière qui s’est rapidement allumée lorsque j’ai lu le titre de ce livre pour la première fois.

En trame de fond, Alex Hutchinson se penche sur la tentative du marathonien kenyan Eliud Kipchoge de briser la barrière des deux heures pour le marathon. Ce projet, Breaking2, a été organisé par Nike en 2017 et s’est déroulé sur la piste de course de Monza, en Italie. Pour ceux qui ont suivi de près ou de loin cette tentative, vous savez déjà que cette course ne pouvait pas constituer un record officiel, étant donné que les coureurs bénéficiaient de pacemaker – coureurs d’élite qui se relayaient pour maintenir la cadence nécessaire – et d’une voiture qui signalait au laser la cible au sol devant les coureurs. Bref, c’est sur cette toile que l’auteur travaille.

En résumé, Alex Hutchinson, ancien athlète canadien et journaliste sportif, s’intéresse à ce qui permet à un athlète de performer lors d’épreuves d’endurance, notamment pour la course à pied et le triathlon. Son approche est en partie historique, puisque notre compréhension de ce sujet a évolué et continue de changer à mesure que les études scientifiques sont complétées.

La première partie du livre concerne la dualité entre le corps et l’esprit. En d’autres mots, qu’est-ce que qui détermine les capacité d’un athlète par rapport à un autre. Les premières études à ce sujet ont permis de développé l’idée du VO2 max, qui permet d’identifier la capacité aérobique d’une personne et de prédire, croyait-on, les performances futures d’un athlète. Évidemment, les études et observations subséquentes se sont penchées sur le rôle du cerveau dans l’endurance. L’idée présentée par un des nombreux experts est assez simple : très peu d’athlètes meurent de fatigue, même dans les compétitions les plus extrêmes, alors il doit certainement y avoir quelque chose qui empêche les athlètes de se rendre à ce stade. Clairement, l’aspect psychologique joue un rôle majeur, sinon les épreuves sportives seraient singulièrement prévisibles.

If races were really just plumbing contests—tests of whose pipes could deliver the most oxygen and pump the most blood—they would be boringly deterministic. You race once, and you know your limits. But that’s not how it works.

The brain’s role in endurance is, perhaps, the single most controversial topic in sports science.

La deuxième partie du livre concerne les limites de la performance et les divers aspects qui influent sur celles-ci. Ici aussi, il est particulièrement difficile de mettre le doigt sur une seule variable physiologique qui permet de prédire les performances. Au total, six chapitres qui portent sur six composantes : la résistance à la douleur, la capacité musculaire, l’oxygène, la chaleur, la soif et l’énergie (la nutrition). Dans chacun de ces chapitres, il est question études et des expériences qui parfois valident l’importance de chaque aspect et parfois remettent en question l’importance de leur rôle. En bref :

To their frustration, physiologists have found that the will to endure can’t be reliably tied to any single physiological variable.

En d’autres mots, même au sein d’un seul aspect, comme la nutrition, il existe une panoplie d’études et de manières de pensée qui s’appuient ou se contredisent mutuellement. Alors que certains prônent des diètes faibles en glucides, les marathoniens kenyans sont connus pour manger un très grand pourcentage de glucides. Évidemment, on peut tirer des conclusions générales dans chaque domaine, mais rarement quelque chose de précis et indisputable. Il n’en demeure pas moins que les points de vue des experts présentés par l’auteur permettent de bien saisir la complexité de l’exercice.

This shows that simply getting fitter doesn’t magically increase your pain tolerance. How you get fit matters: you have to suffer.

Dans la troisième et dernière partie du livre, Alex Hutchinson s’arrête un moment sur les différentes méthodes employées pour repousser les limites. Dans ces derniers chapitres, il est question d’entraînement du cerveau, de traitements chocs et du rôle controversé de la confiance en soi. On perçoit un peu l’idée que le cerveau est la dernière “barrière” qui doit être repoussée pour atteindre le potentiel ultime de l’athlète. J’aime bien cette phrase qui résume le dernier chapitre :

In any honest accounting, training is the cake and belief is the icing—but sometimes that thin smear of frosting makes all the difference.

J’ai adoré le livre, surtout l’approche honnête et ouverte de l’auteur. Les capacités physiques et mentales de l’humain sont un sujet fascinant. Le bagage d’Alex Hutchinson en tant que coureur de fond lui permet d’aller creuser plus loin que je ne l’aurais imaginé. On ressent la passion et la curiosité qui l’ont mené à étudier et consulter des experts. Il n’y a pas de réponse ultime, sans surprise, mais toute personne qui pratique un sport pourra en retirer des bénéfices.


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